Lors de la rencontre semestrielle du réseau belge de permaculture Permanant, en mars dernier, une micro formation nous a été offerte par Antoine Clin au sujet des limaces. Une petite bête qui passionne Antoine puisqu’il en a fait le sujet de son travail de fin d’étude. Antoine nous a parlé du rôle des limaces dans la nature, de leurs cycles de vie et des stratégies possibles pour cohabiter avec elles. Je vous partage mes quelques notes, en vous souhaitant de belles récoltes au potager.
Disclaimer : ma prise de note n’est pas parfaite! L’intention de cet article n’est pas de tout expliquer au sujet des limaces et de la permaculture! N’hésitez pas à vous inscrire à l’une de nos formations pour en apprendre plus 😉
Evolution
Au niveau évolutif, les limaces sont des escargots qui ont perdu leur coquille ou presque: il leur en reste en effet parfois une petite partie. Cette évolution leur permet de se cacher dans le sol et donc d’être, au final, mieux protégées des prédateurs qu’avec une coquille.
En Belgique il y a plus de 40 espèces de limaces, la plupart d’entre elles ne causent pas de dégâts. Elles colonisent de nombreux micro-climats (forêt, etc) et sont essentielles aux grands équilibres naturels. Les trois critères définissant le caractère « ravageur » d’une espèce de limace sont sa vitesse de déplacement, sa taille (plus elles sont grosses, plus elles mangent) et sa vitesse de reproduction.
Pourquoi les limaces sont utiles en permaculture ?
Souvent vues comme des nuisibles, les limaces jouent pourtant un rôle clé dans les écosystèmes, que ce soit au potager ou en forêt.
Elles contribuent activement à la décomposition de la matière organique. Les limaces « prémâchent » la matière, ce qui augmente les surfaces de contact et permet aux champignons, bactéries et autres organismes de compléter le recyclage des nutriments. Elles consomment de tout: plantes, champignons, insectes, animaux morts voire… leurs congénères!
Sur le plan végétal, les limaces sont des “nettoyeuses” : elles s’attaquent en priorité aux plantes affaiblies ou malades, limitant ainsi la propagation des pathogènes. Ce comportement favorise une sélection naturelle des plantes les plus robustes qui peut être précieuse dans les milieux sauvages, mais pose souvent problème à nos petites salades faiblardes qu’on vient de replanter.

Photo prise et présentée par Antoine Clin
Leur mucus (la bave de la limace) aide à la formation du complexe argilo-humique, améliorant la structure, l’aération et la porosité du sol, également grâce aux galeries souterraines qu’elles créent. Le complexe argilo-humique, c’est la clé de la fertilité. Il s’agit de liens extrêmement fragiles entre la matière organique (l’humus) et le minéral (l’argile). C’est la terre « amoureuse » comme me le disait un vieux jardinier il y a quelques années; la terre grumeleuse, le rêve du jardinier (quel paradoxe, limaces et rêve du jardinier!)
Elles aident également à la propagation des champignons, dont la plupart sont bénéfiques et essentiels à la santé des sols.
Enfin, les limaces sont une source de nourriture importante pour de nombreuses formes de vie : carabes, merles, hérissons, renards, sangliers, orvets… Elles participent donc à une chaîne alimentaire équilibrée, ce qui est évidemment désirable.
Comprendre les cycles de vie des limaces pour mieux jardiner en permaculture
Les limaces ont un cycle de vie étonnamment rapide, ce qui explique leur présence tenace au potager. Hermaphrodites complètes, elles n’ont besoin d’être fécondées qu’une seule fois pour pondre régulièrement, environ tous les 10 jours! Et, en moins de 30 jours, une jeune limace peut atteindre sa maturité sexuelle, contribuant ainsi rapidement à l’augmentation de sa population.
Il y a deux grandes périodes de reproduction : au printemps et en automne. Les œufs et les juvéniles résistent bien au gel, ce qui leur permet de survivre à l’hiver, même si la reproduction s’interrompt pendant la saison froide. Les juvéniles nés en automne peuvent donc hiverner et reprendre leur cycle dès les premiers redoux.
Pour moi, c’est l’enseignement le plus important de cette micro-formation: il est essentiel d’agir tôt pour éviter la prolifération des limaces plus tard dans la saison au potager: en agissant au bon moment, on peut limiter leur impact en perturbant le moins possible l’équilibre du jardin.
Les solutions 100% naturelles pour intégrer les limaces dans un esprit « permacuture »
Renforcer la présence des prédateurs naturels:
- Installer des bordures fleuries. Laisser pousser des zones de hautes herbes attire les staphylins et les carabes, deux insectes qui s’attaquent aux œufs et aux adultes limaces.
- Poser des nids pour les merles ou aménager des abris à hérissons, grands consommateurs de limaces.
- Encourager une diversité du paysage, avec des micro-habitats, des cachettes pour les orvets et des plantes variées, améliore la résilience naturelle du jardin.

Soyons clairs, ces solutions ne seront généralement pas suffisantes sous la plupart des climats.
Selon Antoine, on peut détourner les limaces de nos plantules en utilisant des plantes « sacrificielles ». Par exemple les limaces apprécient le plantain et le pissenlit. En cueillant 30 minutes avant la tombée de la nuit quelques feuilles, à déposer près des jeunes plants.
Limiter les limaces en permaculture : des méthodes classiques à adapter
La chasse à vue reste très efficace. Comme les limaces sont omnivores, les éliminer (aux ciseaux) et les laisser sur place est une solution un peu cruelle… Mais qui offre un mets de choix aux survivantes, qui pourraient préférer un repas carné au menu végétarien ce soir. Pour les végan, les récolter dans un seau et le vider par dessus la clôture de votre voisin est possible.
On peut aussi poser des bâches (blanches pour éviter la surchauffe). Les limaces s’y abritent au-dessous la journée, ce qui facilite leur capture à la main. Ces abris servent aussi de cachettes pour les orvets, prédateurs précieux des limaces.
Les pièges à bière sont généralement efficaces. Mais vont également tuer d’autres insectes, dont certains sont prédateurs des limaces. Pensez à créer un chapeau au contenant pour ne pas diluer la bière lors de précipitations. A remplacer régulièrement.
Les poules vont préférer les jeunes limaces et les œufs. Entourer le potager d’un poulailler ou d’un « parcours à poule » peut-être une solution très efficace. On appelle “parcours à poule” un tunnel grillagé que l’on installe autour du potager et que l’on relie au poulailler principal.
Les canards (coureurs indiens, kakhi campbell) sont friands de limaces. Ils peuvent (sous surveillance) gambader dans le potager. Attention toutefois aux jeunes plantules. Cette solution semble idéale… Mais les canards ne se contentent pas de limaces. Antoine recommande donc de limiter leur présence dans le potager au début de saison ou lors d’une invasion conséquente.
Permaculture et gestion des limaces : que faire ou pas quand les méthodes naturelles ne suffisent plus ?
Le phosphate ferrique anhydrique bloque la digestion de la limace. Ce produit agit aussi comme fertilisant et l’agriculture biologique en autorise l’usage. Il présente également moins de risques pour les animaux non ciblés. Mais il n’est pas sans danger. Son efficacité est certaine, tout comme l’est son coût. C’est l’une des solutions les plus pratiques pour les maraîchers en AB.
La faune non-ciblée et les animaux de compagnie souffrent beaucoup plus avec les granulés de métaldéhyde. Le métaldéhyde peut également polluer l’eau.. Ils déshydratent la limace très rapidement. L’agriculture biologique n’autorise pas leur utilisation. A éviter au maximum.
Le Bacillus thuringiensis (BT) est autorisé en AB, il agit sur nombre de chenilles et autres ravageurs (doryphore par exemple). Il agit également sur des auxiliaires utiles. Il peut donc provoquer pas mal de dommages collatéraux. Pour info, certains maïs OGM ont été ingénieurés pour contenir un gêne similaire.
Protéger les semis
Le cuivre est souvent proposé pour empêcher les limaces d’escalader les tables à semi (ou les jeunes fruitiers). Mais les limaces s’adaptent. Plusieurs participants observent que la solution fonctionne pendant un certain temps, et puis elle se révèle inefficace.
Les profils en U des Metal Stud (aluminium pour fixer du placo) empêcheraient les limaces de gravir vos tables à semis. Les limaces se contorsionnent en effet difficilement.
Conclusion
Une chose est claire : il ne s’agit pas de gagner une guerre contre les limaces, mais plutôt d’apprendre à vivre avec, tout en posant des limites là où c’est nécessaire. La permaculture nous invite à observer, à comprendre les dynamiques naturelles, et à intervenir avec justesse. C’est dans cette posture que l’on peut transformer la frustration en curiosité, et parfois même… en admiration pour ces grosses baveuses.
Alors, avant de sortir les ciseaux ou les granulés, prenez un moment pour regarder votre jardin comme un écosystème en mouvement. Et souvenez-vous que derrière chaque feuille grignotée se cache une question intéressante, et peut-être même une opportunité d’équilibre retrouvé.
